Des services « Haute Couture » pour l’industrie

Par OLIVIER LLUANSI

Source : Le Monde 02.09.2017Télécharger

Relever nos défis industriels différemment, en associant groupes et start-up autour du couple produit/service

Le Gouvernement annonce un Fonds Innovation Industrie doté de 10 Md €. Saluons l’initiative ! L’industrie est un secteur en pleine mutation. « L’industrie du futur » ou « industrie 4.0 » se caractérise par un double mouvement au sein des entreprises :

  • Une recherche d’efficacité. Le potentiel des briques technologiques disponibles est un triplement des gains annuels de productivité (env. 20 % de gains sur 5 ans).
  • Le développement de services « on-top », nouvelles applications et nouvelles fonctionnalités des biens industriels pour créer de la valeur ajoutée et éviter l’effet « déflationniste » des gains de productivité. Des entreprises industrielles – petites et grandes – ne vendent plus, comme hier, moteurs ou compresseurs d’air, mais des heures-moteurs ou des volumes d’air comprimé et de la fiabilité. Les fabricants de rames de train imaginent valoriser les données recueillies sur les usagers pour de nouveaux services (divertissement, services à la place, etc.). Les équipementiers aéronautiques améliorent la maintenance et le suivi de la performance.

Le « mal investissement » français, depuis 25 ans (un niveau d’investissement global satisfaisant, mais un taux d’investissement moyen en machines et équipements de 6% du PIB français entre 1990 et 2007 contre 8% en Allemagne, l’écart s’étant maintenu après 2008) ne se comblera que progressivement, via un allègement des impôts de production, le renouvellement du suramortissement ou la baisse des charges sociales sur les salaires intermédiaires. Le rôle d’un Fonds Industrie Innovation doit être différent.

Une quarantaine de briques technologiques composent le socle de « l’industrie du futur ». Un Fonds Innovation Industrie pourrait en financer certaines « Made in France » : cybersécurité, impression 3D, intelligence artificielle, etc. Mais d’autres ressources publiques sont disponibles à cette fin, dont le Programme des investissements d’avenir. Le fonds devrait donc miser sur deux vrais avantages comparatifs.

Le premier s’appuierait sur la FrenchTech. La France dispose d’une compétence reconnue en matière de services digitaux, ce qui lui confère un réel avantage, dans la transformation en cours, pour la création de services à valeur ajoutée « on-top ». Cela permettrait, au-delà de l’industrie 4.0 centrée sur l’outil de production, d’améliorer le couple produit/services, pour mieux s’adapter aux besoins et désirs des utilisateurs.

Le second rechercherait une meilleure articulation entre le tissu industriel français, structuré autour de grands groupes, et nos start-ups. Il supposerait de renoncer aux prises totales de contrôle, mortifères pour la créativité et l’agilité ou aux achats destinés à neutraliser des concurrents potentiels. Un Fonds Industrie Innovation de 10 Md€ devrait faire émerger des consortia où des groupes travailleraient sur un pied d’égalité avec des start-up sur un mode « création agile / partage de valeur ».

La puissance publique a régulièrement soutenu des projets de long terme, depuis les programmes pompidoliens jusqu’au soutien de la NASA à Space X, en passant par celui de l’armée américaine à Internet. Dans les années 70, retrouver une indépendance technologique via de grands organismes (CEA, DGA, etc.) était l’impératif français. Aujourd’hui l’objectif doit être différent : coupler la puissance commerciale, financière et industrielle de nos groupes à l’agilité et la créativité des start-up de la FrenchTech. Le Fonds primerait les meilleurs consortia entre groupes disposant de belles parts de marché et start-up ouvrant de nouveaux chemins.

L’indispensable montée en gamme sur le produit, préconisée par le Rapport Gallois (2012) sera longue. En revanche, une montée en gamme rapide est ouverte via le couple produit/services : habiller nos produits industriels de services ‘haute couture’. Nous devrions trouver-là un nouveau savoir-faire français !

Olivier Lluansi est consultant et membre du groupe « Que Faire ? », qui rassemble d’anciens membres de cabinets ministériels, de droite, de gauche et du centre, et des dirigeants du secteur public ou privé, désireux de réformer la France.

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