Créer une réelle intégration entre l’Allemagne et la France

Par JEAN-LUC SAURON, SOPHIE SEGOND et JEAN-PAUL TRAN THIET

Les élections italiennes démontrent l’avancée du populisme et de l’Euroscepticisme. Pour y répondre, il ne suffira pas d’un nouveau discours de La Sorbonne. Il faudra démontrer par l’action notre volonté de poursuivre dans la voie de la construction européenne, quitte à ne le faire qu’à quelques-uns. Dans cet esprit, il est temps de créer, entre la France et l’Allemagne, des solidarités concrètes, qui démontreront notre volonté politique, puis de les élargir à ceux qui souhaiteront construire avec nous ce prototype de l’Europe du futur.

La première priorité serait de créer des « convergences parlementaires ». Des groupes paritaires, composés de membres de l’Assemblée nationale/du Bundestag et du Sénat/du Bundesrat, élaboreraient des textes communs qui feraient l’objet d’une adoption coordonnée et s’appliqueraient en même temps dans l’espace franco-allemand, renforçant l’intégration de nos économies via la convergence législative de nos règles majeures. Cela devrait concerner, en tout premier lieu, la matière budgétaire, c’est-à-dire tout le processus d’adoption des lois de finances, depuis l’élaboration des lettres-plafond, jusqu’à la promulgation, y compris la discussion parlementaire. Cela couvrirait aussi les textes fiscaux qui ont un impact sur le marché, en commençant par l’uniformisation de l’assiette de l’IS, annoncée au niveau européen mais en panne depuis 15 ans. D’autres domaines essentiels à la vie de nos citoyens devraient faire l’objet d’une telle coopération, par exemple les règles de protection des données personnelles et de la vie privée. Il est incroyable que l’application du règlement européen sur la protection des données n’ait pas fait l’objet d’une concertation entre nos deux pays, alors qu’il aura une influence significative sur les individus comme sur les entreprises. Cette intégration des processus parlementaires, assortie d’une interdiction, pour chacun de nos pays d’adopter unilatéralement une législation portant sur ces sujets sans qu’une concertation approfondie ait eu lieu entre les parlements respectifs, conforterait le sentiment que notre avenir est solidaire de celui de nos voisins allemands. Elle empêcherait nos élus de ne raisonner qu’en termes nationaux.

La seconde priorité serait de coordonner puis fusionner nos services administratifs dans quelques secteurs majeurs. Il s’agirait de créer un espace « sans coutures » pour l’application des réglementations auxquelles les citoyens sont les plus attentifs, en mettant en place des agences franco-allemandes. La répression des fraudes alimentaires constituerait un premier terrain d’action, pour mieux gérer en commun les prochaines crises (œufs au Fipronil, viandes d’origine douteuse ou salmonelles dans le lait infantile). La réglementation des produits de santé (cf. la crise du Levothyrox) sera aussi un axe prioritaire. D’autres autorités devraient harmoniser leurs méthodes de contrôle : la CNIL et son homologue allemand ; l’Autorité de la concurrence et le Bundeskartellamt ; les agences de l’environnement ; les régulateurs des communications électroniques et de l’énergie ; les réseaux consulaires chargés de protéger nos ressortissants à l’étranger. Cette coordination sans cesse plus étroite débouchera, à terme, sur une fusion de services et autorités qui auront appris à coopérer en mode bilingue.

Une telle dynamique aura un effet d’entrainement sur nos voisins, préfigurant ce que nous ferons avec tous les autres partenaires qui seront prêts à nous rejoindre. Dans deux décennies, on constatera que nous avons osé créer ces nouvelles solidarités concrètes, comme Monet et Schuman en ont eu l’audace, cinq ans à peine après la fin de la seconde guerre mondiale.

 Jean-Luc Sauron, Sophie Segond et Jean-Paul Tran Thiet sont membres du Groupe « Que Faire ? », qui rassemble d’anciens membres de cabinets ministériels de droite, de gauche et du centre et des dirigeants du secteur public et privé.

Laisser un commentaire