Par JEAN-LUC SAURON et le Groupe « EUROPE » de « QUE FAIRE ? »
L’approfondissement de la relation entre la France et l’Allemagne ne saurait se réduire à un mantra répété sans fin. Il doit être le socle du redémarrage de l’économie européenne et de la nouvelle dynamique européenne. Mais le franco-allemand doit changer de dimension. Il ne s’agit plus, comme en 1963, de conforter la fin d’une rivalité. Il doit devenir l’avant-garde, le laboratoire de ce que pourrait devenir l’Europe à 30 ou 40 ans.
À cette fin, le groupe « Que Faire ? » Propose la négociation d’un nouveau « Traité de l’Élysée ». Ce nouveau traité doit donner le signal d’un rapprochement progressif mais continu des institutions de chacun de nos deux États, s’appuyant sur quatre actions-phares.
Bien entendu, ce rapprochement ne doit pas être exclusif, mais conçu comme la préfiguration de ce que nous pourrions faire avec nos autres partenaires européens ou certains d’entre eux.
CRÉER DES « CONVERGENCES PARLEMENTAIRES » ENTRE L’ALLEMAGNE ET LA FRANCE
Il s’agirait de créer des groupes parlementaires restreints, désignés par chacun des parlements (membres de l’Assemblée nationale/du Bundestag et du Sénat/du Bundesrat) pour élaborer des textes législatifs communs qui s’appliqueraient en même temps dans l’espace franco-allemand. L’objectif est de renforcer le pôle économique franco-allemand en faisant converger, d’abord par la voie législative, nos règles économiques majeures.
Trois exemples sont proposés :
- L’application en droit national du règlement général sur la protection des données (RGPD), pour le 25 mai 2018 au plus tard, fourni une première opportunité : nos voisins allemands ont adopté un texte en mai 2017. Il est particulièrement business-friendly. Au 30 octobre 2017, le gouvernement français n’a toujours pas déposé son projet de loi. Au surplus, ce dernier est-il construit avec la perspective d’une forte coopération entre nos deux économies ou est-il pensé dans une perspective purement franco-française ? Le RGPD prévoit 56 renvois au droit national, le risque est donc grand que nous nous trouvions confrontés à 28 législations nationales différentes. Supprimer ce risque pour les deux économies les plus puissantes de l’Union européenne serait déjà un progrès considérable. Il suffirait d’envisager un rapprochement de nos textes respectifs, dans un esprit de convergence. Cette première initiative permettrait de mettre fin à la situation où nous pensons nos législations à l’aune d’une vision strictement nationale et de donner le signal du lancement d’un véritable pôle économique franco-allemand.
- Cet exercice devrait ensuite s’étendre à tous les textes fiscaux impactant la libre circulation des hommes et des entreprises, en commençant par le chantier annoncé/amorcé de l’uniformisation de l’assiette de l’IS entre nos deux pays.
- Plus généralement, il conviendrait de poser les fondations d’une interaction réelle entre nos parlementaires, pour ce qui concerne le processus d’adoption des « Lois de finances », depuis l’élaboration, par le Premier Ministre, des lettres-plafond, jusqu’au dépôt du PLF et pendant toute la durée de la discussion parlementaire.
Ce travail conforterait le sentiment d’appréhension de leur avenir par nos concitoyens. Il comblerait l’impression de déficit démocratique. Il reproduirait au niveau des parlementaires la circulation des bonnes pratiques connues au niveau des gouvernements et dénationaliserait le point de vue des parlementaires.
FUSIONNER LES APPAREILS ADMINISTRATIFS DANS QUELQUES DOMAINES PRIORITAIRES
Il s’agirait de créer un espace « sans coutures » pour l’application des réglementations auxquelles les citoyens sont les plus attentifs, en articulant les compétences entre l’échelon national (où l’action demeure efficace et nécessaire) et des agences franco-allemandes de coordination. La crise des œufs n’aurait pas connu cette ampleur si des administrations nationales n’avaient pas voulu défendre leurs producteurs ou couvrir leurs défaillances, affaiblissant l’image d’une Europe censée protéger la santé des consommateurs. Quatre domaines-clés ont été identifiés :
- La répression des fraudes alimentaires
- La réglementation des produits de santé (AMM et pharmacovigilance)
- La préservation de l’environnement (mutualisation des études et harmonisation des méthodes de contrôle)
- La protection de nos ressortissants à l’étranger (en dépit de différences dans les règles d’état civil, il faut fusionner nos dispositifs consulaires, pour générer des économies et créer un sentiment fort d’appartenance à une entité commune).
CRÉER UNE COOPÉRATION EXEMPLAIRE EN MATIÈRE D’ÉDUCATION
Il faudrait prévoir que tous les collèges et lycées des deux pays soient incités à conclure un accord de partenariat avec un établissement de l’autre pays. Dans chacun d’eux on prévoirait au moins une classe bilangue (anglais/allemand en France, anglais/français en Allemagne) avec un séjour d’au moins un mois, une fois dans la scolarité (quatrième en collège, seconde au lycée ?), dans l’établissement partenaire.
Au niveau universitaire on devrait créer un programme Schuman complémentaire d’Erasmus. Il conviendrait de se fixer l’objectif qu’au moins 5% des étudiants aillent passer une période d’études d’un semestre dans un établissement d’enseignement supérieur de l’autre pays, objectif à atteindre en 5 ans, puis 10% à terme de 10 ans.
Il serait nécessaire d’associer étroitement le corps professoral à cet exercice de jumelage, l’objectif étant d’obtenir une adhésion au moins équivalente à la mobilisation du corps professoral (avec ses conséquences sur les élèves) en matière écologique.
CRÉER UNE CELLULE PROSPECTIVE POUR ANTICIPER LES BOULEVERSEMENTS RÉSULTANT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
L’Europe ne doit pas avoir pour seule vocation la gestion optimale de l’existant, mais aussi de préparer l’avenir. La création d’une agence franco-allemande, souple et réactive, permettrait non seulement d’agir et de réagir face aux GAFA et aux BATX chinois, mais aussi de préparer les lendemains faits d’intelligence artificielle et de robots.