Par MICHEL DHAREZ et JEAN-PAUL TRAN THIET
Source : Les Echos du 02.08.2017 – Télécharger
La taxe d’habitation est un de ces impôts régulièrement critiqués mais difficiles à supprimer. Ce fut aussi le cas pour la taxe professionnelle ou l’impôt sur les portes et fenêtres qui a duré 130 ans… Voilà des années qu’est évoquée la révision des valeurs cadastrales sur lesquelles est assise la taxe d’habitation… Sans succès !
La première Conférence nationale des territoires, qui s’est ouverte lundi 17 Juillet a fait émerger une vérité d’évidence : exonérer 80 % des Français de taxe d’habitation, voire la totalité des ménages, est politiquement explosif pour les élus locaux et peut-être anticonstitutionnel. L’importance de la taxe d’habitation se mesure à quelques statistiques : elle représente environ 25 milliards d’euros sur plus de 130 milliards d’euros pour l’ensemble des ressources des collectivités territoriales. Elle concerne 28 millions de foyers et 33 millions de logements. L’exonération concernerait les ménagés au revenu annuel imposable inférieur à 20.000 euros par part fiscale, soit 5.000euros par mois pour un couple avec deux enfants.
Une telle mesure supprimerait une des ressources propres des communes et les mettrait dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’Etat, qui apporterait la compensation. Une perspective pareille suscite de profondes Inquiétudes. Rien ne justifie d’alimenter une telle source de contrariété.
Disparaîtrait également le lien direct entre le contribuable local et le maire. Ce lien est essentiel pour maintenir une culture de responsabilité au niveau local. L’exonération ne constitue pas une bonne réponse au ras-le-bol fiscal. De même, n’avoir que 40 % des Français qui s’acquittent de l’Impôt sur le revenu ne constitue pas un bon modèle citoyen. Il faut cesser ces exonérations démagogiques et économiquement contre-productives. En revanche, réformer cette taxe pour la rendre plus équitable serait très facile et très profitable II suffirait de renoncer à l’assiette aussi injuste que complexe de la valeur locative du domicile, pour la remplacer par les revenus. Pour l’avenir, les collectivités locales prélèveraient leurs recettes fiscales sur les ménages, en utilisant la même assiette que celle de l’impôt sur le revenu, chaque collectivité restant libre de prélever le pourcentage qui lui parait approprié pour couvrir les besoins collectifs dont elle a la charge ; cela s’apparenterait au mécanisme des centimes additionnels, connus il y a plus d’un siècle. Une seule déclaration serait suffisante, ce qui faciliterait grandement le recouvrement et les contrôles, même après la mise en place de la retenue à la source. Alternativement, on pourrait utiliser l’assiette de la CSG. bien connue et bien contrôlée, pour collecter celte taxe d’habitation rénovée, qu’on pourrait alors appeler « taxe locale sur les revenus **.
Le cap est fixé, la volonté politique manifeste. Ne ratons pas une telle réforme par précipitation. En exonérant certains ménages, la mesure peut donner l’impression d’une diminution des impôts, d’une amélioration du pouvoir d’achat des ménages concernés. C’est sans compter avec la compensation que ferait l’Etat, et que certains contribuables devront bien payer. Les objectifs de redistribution et d’amélioration du pouvoir d’achat peuvent être obtenus avec une assiette plus efficace, en évitant de déresponsabiliser les communes.
Cette nouvelle assiette présenterait aussi l’avantage d’évoluer peu ou prou de façon cohérente avec l’activité économique et les besoins collectifs. Il n’y aurait pas de meilleur moyen de donner corps au principe énoncé par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». On ne saurait mieux dire, aujourd’hui encore !
Michel Dharez et Jean-Paul Tran Thiet sont membres du groupe « Que Faire ? », qui rassemble d’anciens membres de cabinets ministériels, de droite, de gauche ou du centre, et des dirigeants du secteur public ou privé.