Pour une véritable réforme fiscale

Par WENCESLAS BAUDRILLARD et JEAN-PAUL TRAN THIET

Source : Le Monde 01.06.2017Télécharger

Les ambitions d’Emmanuel Macron en matière d’impôt restent bien modestes en regard des besoins

Le programme du président de la République est d’une rare discrétion sur la fiscalité. Un ajustement de la contribution sociale généralisée (CSG), une mini-réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de l’imposition des plus-values, l’exonération de taxe d’habitation pour 80 % des redevables : le compte n’y est pas ! Cette dernière mesure, notamment, sent un peu la démagogie, à l’image des exonérations d’impôt sur le revenu (IR) accordées à des millions de contribuables par les gouvernements de MM. Balladur, -Jospin ou Valls. Ce n’est pas ainsi que l’on réformera un système fiscal français qui, selon le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), est un champion des charges sur l’emploi, mais un cancre pour les impôts directs et ceux qui frappent la valeur ajoutée. La diminution des dépenses publiques ne résoudra pas ces aberrations. Pour y parvenir, trois réformes ambitieuses devraient être engagées, dès le début du quinquennat.

La première consisterait, au lieu de pratiquer des exonérations de taxe d’habitation, à en modifier l’assiette. Le système actuel est illisible et injuste. Il faut le remplacer par un mécanisme de  » centimes additionnels  » à l’IR, c’est-à-dire de taxes locales calculées en proportion de l’impôt sur le revenu. On en finirait avec des valeurs locatives incompréhensibles et jamais réévaluées, et on simplifierait le recouvrement, puisque la même déclaration permettrait de calculer à la fois l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation, en fonction des taux librement déterminés par les collectivités locales.

La deuxième réforme conduirait à remplacer progressivement l’assiette des prélèvements obligatoires qui pénalisent le travail salarié. Ils sont innombrables : cotisations de sécurité sociale, d’allocations familiales, de retraite, de chômage, versement transport, taxe sur les salaires, taxes parafiscales, etc. Il ne s’agirait pas de supprimer tout prélèvement au niveau des entreprises. Il ne s’agirait pas non plus de créer une TVA  » sociale  » en contrepartie de la suppression d’une ou deux cotisations. Ce qui est proposé ici est d’une tout autre ampleur.

Pénalisation de l’emploi salarié

Il s’agirait de modifier la base de calcul des prélèvements effectués au niveau de la production de biens et de services, en remplaçant la masse salariale ou le nombre d’employés par la valeur ajoutée de l’entreprise. Une telle réforme pourrait s’étaler sur une dizaine d’années, par tranches annuelles, pour éviter les transferts massifs et immédiats.

Son principal avantage serait de supprimer la pénalisation dont souffre l’emploi salarié. On le favoriserait plus intelligemment qu’en taxant les robots ou les investissements de productivité. Deuxième bénéfice, on allégerait la charge qui pèse sur les entreprises industrielles, gros employeurs, et dont les productions sont aisément délocalisables. Celles qui emploient peu mais dégagent une valeur ajoutée significative, notamment dans certains services, prendront le relais. La mise en œuvre de ce transfert serait facilitée par la création d’un système national d’indemnisation du chômage et l’alignement progressif des retraites de base, qui figurent déjà dans le programme du président de la République.

La troisième réforme consisterait à recréer les bases d’un impôt sur le revenu vraiment universel. Universel pour ce qui concerne les contribuables, en mettant fin aux exonérations totales, qui font perdre de vue le fait que les services collectifs ont un coût qu’il faut partager en fonction des capacités contributives de chacun. Universel aussi quant à son assiette, en y incluant tous les revenus, y compris ceux provenant des mécanismes de solidarité sociale.

Voilà trois bases sur lesquelles pourrait reposer une véritable réforme des prélèvements obligatoires en France. Mettons  » en marche  » la réforme fiscale, monsieur le Président !

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